mercredi, mai 02, 2007

Aux présents comme aux absents


Ce que je vais lire ce soir...



Vous ne le savez pas, mais je vous connais tous. Je vous ai vus ici ou ailleurs, dans le bus ou dans le métro, dans les multiples supermarchés où je m'arrête. Je vous observe, j'observe ce que vous lisez, ce que vous achetez. Le tapis se déroule et emporte vos vies dans de multiples bips, vous tournez les pages d'un roman que je ne connais pas, d'un journal que je ne lis pas.

Souvent, vous ne vous rendez pas compte du fait que je vous regarde, je veux dire : vraiment.
Quelques sourires esquissés, quelques mots si vous êtes dans une bonne journée ou si vous avez envie de vous extirper d'une mauvaise.

Les bras ballants, en transit, fatigués, pressés, nonchalants, pensifs, fébriles, il est rare que je vous vois vous sourire à vous-mêmes, et pourtant, vous, vous m'en arrachez souvent, des sourires.

Je ne peux m'empècher de me demander qui vous êtes, où vous allez, ce que vous venez de quitter, à contre-coeur ou non?

Je vous invente des vies, des déchirures, des joies, un monceau de pensées contradictoires, tout ce qui nous unit et nous désunit, tout ce qui vous rapproche de moi, tout ce qui m'éloigne de vous.

Je m'attache à de petits détails, vos vêtements, votre façon de vous tenir, de cligner un peu des yeux.

Des fois, je me moque un peu de vous, ce n'est jamais méchant, toujours plein de tendresse...

Vous êtes mes personnages, réunissez en vous tous les tenants et aboutissants des histoires que je me raconte.

Vous êtes les fantômes incarnés des contes que me lisait ma mère quand j'étais petite, vous avez tour à tour des allures de sorcières ou de fées, d'ogres ou de beaux chevaliers...

Et ces fables que je me raconte avec des mots d'adulte, mes mots d'aujourd'hui, n'ont pas perdu de leur merveilleux, ni de leur candeur.

Il n'y a rien de factice, rien d'ivraisemblable, vous êtes vivants. Vous êtes bien réels.

Et vous êtes plein de surprises.

A chaque arrêt de rame, à chaque coin de rue, je les vois, ces connivences mystérieuses, les solitudes dépassées...

Ah oui, je suis une cannibale, je ne fais que de me nourrir de vous, je vous dévore, et j'ai toujours faim.

Insatiable de votre douleur autant que de votre courage, de vos mesquineries autant que de votre douceur...

J'imagine vos histoires, ce qui étincelle à la surface me dérobe à vos secrets, tout en m'en montrant la voie...

Rien n'est simple avec vous, de toutes façons, rien n'est jamais simple avec vous...

Mais, j'aime cette idée : que je découvre les profondeurs humaines en les inventant, en vous réinventant.

Révolus les clichés, ces images d'épinal dont on se gave par lâcheté.

Parce que quoiqu'on en dise... Vous êtes toujours bien plus que ce que vous voudriez nous laisser croire.

Si seulement vous le saviez vous-mêmes...

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