jeudi, mai 03, 2007

Déflagrations d'Ego, encore et toujours.

Je pensais au moment même où je me servais un Picon Bière, oui parce que le Picon Bière, c'est bon, et parce que des fois je pense aussi, je pensais donc que souvent je commence tout comme ça sur une impulsion, trois mots et tu enquilles.

Comme un verre cul sec, les mots, sauf que t'avales pas, je cherche quelque chose de joli, pas cracher, ni vomir, ni éjaculer, pourtant il y a quelque chose comme ça, quelque chose comme du soulagement physique. L'origine des mots, ce serait ça? Un chat dans la gorge qui se transforme en glair, un truc qui passe pas et qu'on doit expulser en gerbe informe, la nécessité mécanique d'une jouissance?

Je peux pas mentir, il y a du ravissement dans tout ça, il y a du plaisir, un putain de plaisir à écrire.

Un soulagement, de la toute-puissance aussi (ah ah, utiliser un article partitif pour la toute-puissance, c'est fun), et si Dieu créa toutes choses, hein, c'est l'Homme qui les nomma, à partir de ce moment-là, Dieu, il avait plus grand chose à faire. Il a sûrement dû déménager dans un endroit où on ne pouvait pas communiquer, ça lui a fait les pieds un peu.

Tout à l'heure, je suis sortie de la pharmacie et j'avais envie de pleurer sans trop savoir pourquoi, c'est ça la dépression, non?

Je suis allée au Leader Price juste à côté, et tout m'a semblée terriblement absurde, j'avais encore envie de pleurer, mais j'ai compris pourquoi : c'est pas moi qui ait un problème, c'est eux.
Et pourtant, je fais comme eux.
Je vais monter une communauté hippie, mais qu'avec des grizzlis.

Ce qu'il y a de génial là où je vis, c'est qu'on peut voir des choses comme ça :



On peut aussi voir sur la fenêtre de mon salon un impact de balle (perdue, ah vraiment?). Il est à ce moment précis temps de bénir le double vitrage.

On peut aussi, quand on sort de chez moi, en fin d'après midi, quand on longe les bâtiments pour aller vers le métro, on peut aussi voir un vieil arabe et un vieux black, assis sur deux chaises, face à face, avec un plateau de petits chevaux sur leurs genoux, en train de jouer.

On peut aussi voir des gosses de 11, 12 ans à peine, débiter des textes de rap, des textes violents et agressifs, qu'ils comprennent à peine, et ensuite les voir redevenir des enfants quand on leur demande leurs prénoms et qu'ils dansent d'un pied sur l'autre en rougissant, terriblement timides. Ils disent comment ils se nomment d'une voix fluette d'hommes qu'ils ne sont pas encore.

On peut voir beaucoup de choses chez moi, pour peu qu'on s'en donne la peine.
Pas seulement des immeubles, pas forcément la confusion, pas uniquement la laideur, ni la crasse. Pas leurs exactes contraires non plus. Quelque chose de plus que ça.
Lives, you know, only lives.

Et là, je me sers un second Picon Bière (j'aurais bien envie de mettre le signe Trade Mark à côté mais je sais pas comment on fait, et au fond, je m'en branle), et puis, je me demande où on va comme ça. La réponse la plus facile, la plus évidente serait "mais nulle part voyons" avec ce petit sourire entendu, que je me garde en réserve pour les grandes occasions où j'ai envie que mon interlocuteur se taise, rien de mieux que de faire croire à une connivence avec l'autre sur quelque chose qui dépasserait le reste de l'humanité pour qu'il se la boucle et qu'on arrête de se dire joyeusement qu'on est bien d'accord sur la même chose, et qu'on arrête enfin! de se masturber mutuellement sur ce fait.

En y réfléchissant bien, j'ai eu le temps de me servir un troisième Picon Bière, et me voilà en train d'allumer une cigarette pour parfaire le tableau.

Cela dit étant, pour vous délivrer de la peur d'un alcoolisme latent de ma part, je ne bois pas seule! Et oui, j'ai un colocataire. (J'ai menti à Hug, il existe, il est réel ou presque, puisqu'il fait partie de cette catégorie de personnes qu'on appelle les no-life, joueur de wow inconditionnel, ceci dit - une deuxième fois - quand il n'est pas en train de jouer à wow, il est en Ariège à préparer la révolution, les no-life d'aujourd'hui seraient-ils les true-future de demain? mwahaha c'est vraiment naze ce que je viens d'écrire).

Hier, j'ai lu deux textes à moi lors de la soirée Pleine Lune de la Cave Poésie. On appelle ça une scène ouverte aléatoire, les membres de l'association ne savent pas eux-mêmes ce qu'ils ont programmé.
Hier, sur scène, un peu éblouïe par les projecteurs, j'ai vu tous ces gens suspendus à mes lèvres, c'était moi qu'ils écoutaient, mes mots qui coulaient fluides, ces mots que j'incarnais. J'ai vu les regards gagnés par l'émotion de ce que j'exprimais.
Hier, je me suis sentie incroyablement bien.
Depuis des heures, je me demandais ce qui avait bien pu me passer par la tête pour m'inscrire là. Pourquoi ces dix minutes de strip-tease textuel?
Hier, j'ai compris tout ce que je souhaitais au moment même où je lisais.
Ce prix que je paie chaque jour pour toutes ces personnes qui n'ont jamais voulu m'écouter, ce besoin immense d'être entendue...

Je prenais ma revanche.

J'allume une seconde cigarette, boire, ça me donne toujours une envie irrépressible de fumer. Paraît que c'est normal.

Et je prends le temps d'écouter Jimi Hendrix.

Clique, chéri(e).

Prends ces quatre minutes, mais alors, prends-les.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Hé ben voilà!
tu as enfin réussi à me toucher, ça faisait longtemps.
Merci de m'avoir appris ce qu'est un article partitif et pour information trade mark sous word c'est ctrl+alt+R et j'ai vachement aimé le début de ton post.

Allez, pastis clope, avec ça le cancer de la langue est assuré! Au moins, je dirais moins de conneries!

Anonyme a dit…

raaa; t'as un coloc' no-life ??! veinarde va !! J'adore les no-life, ils ont une façon de penser .. un peu tordue que j'affectionne particulièrement (c'est que chuis une sentimentale !)..

sinon, concernant les envies de pleurer.. bah ça arrive, comme ça, d'avoir le mal de vivre sans vraiment savoir pourquoi..!

et sinon,encore, sympa ton chez toi' ^^ ! je connais le genre d'ambiance, lorsque je vivais ac ma mére, j'avais vu sur un squat' et je me suis fait cambriolée alors..!

biz'

Anonyme a dit…

C'est vraiment super que tu aies lu ton texte à la Cave-Poésie. C'est bien d'avoir un public en direct, pour l'émotion tangible, l'électricité qui passe entre les gens et toi, la communication qui devient communion. J'espère que tu auras beaucoup d'autres occasions parce que tu écris vraiment fort et bien, même si ça fait un peu con à dire comme ça.

Bip bip et coyote corporation a dit…

:)

Emi a dit…

Monsieur toujours raison : ravie d'avoir au moins effleuré ta corde sensible et merci pour le TM sous word :)

BLC : ouais, j'ai de la chance d'avoir mon no-life à moi, c'est clair...
Pour les envies de pleurer, ça va, ça vient, c'est pas la mer à boire même si c'est salé! (ah ah)

br'1 : c'est le genre d'expériences que je cherche à multiplier effectivement... C'est drôle la façon dont tu as de décrire cette ambiance, c'est exactement ce que j'ai ressenti sur place...

Yves : va falloir recommencer à utiliser des mots pour t'exprimer hein :p