lundi, mai 28, 2007

Il a des yeux...

Faut-il dire, encore, combien était impromptue cette rencontre?

Peut-être pourrait-on dire que n'importe quelle rencontre recquiert d'une bonne dose de hasard, mais si elles sont sûrement inattendues, c'est parce qu'on ne le savait pas encore - qu'on les attendait.

Impromptues donc, comme un fil casse, or on peut s'attendre à ce qu'un fil se rompe, un fil finit toujours par se rompre, ce qu'on ne connaît pas, c'est l'instant, cette seconde où cela arrivera, on peut essayer de l'ignorer ou pronostiquer, redouter, espérer, faire des diagrammes et des pourcentages, pour avoir l'illusion de maîtriser, d'ordonner, pour croire en quelque chose de rationnel, de logique, on peut aussi prendre les choses à l'envers, tout nous a amenés là, et trouver la part manquante de sens après coup, et là, soudainement, c'est le destin.

On peut aussi bien jouer sur les deux tableaux, et tout mélanger, s'ériger en prophète et faire de son métier l'aléatoire.

Après tout, le temps a ses raisons que le temps en personne ne connaît pas.

Impromptue donc et on ne peut plus délicieuse cette rencontre.

Ils pourraient être en train de siroter n'importe quoi, lui un bourbon, quelque chose d'habituel, un rituel bien ancré et confortable, suffisamment présent dans son esprit comme tel pour qu'il éprouve une certaine sympathie à l'égard de tout son environnement, il répondrait alors c'est parfait à la jolie serveuse qui s'occuperait de lui.
Elle, ça serait l'inverse, définitivement fantaisiste, elle aurait choisi à cause de son humeur et de la chaleur quelque chose de frais et de plutôt sucré.

Ils sont à quelques mètres l'un de l'autre et pourtant ils ne se voient pas, il a les yeux perdus dans le vague, goûtant la chaleur qui l'envahit à chaque gorgée, elle contraste nettement avec celle enveloppante de ce début, faramineux, d'été.
Elle, elle est concentrée : elle est plongée dans une étude très poussée des différentes couleurs de son cocktail, qui sont à vrai dire plus plaisantes à regarder qu'à goûter.

La musique ne serait ni mauvaise, ni bonne, un disque de jazz sans prétention aucune, vivant et langoureux.

Leurs verres vides, ils auraient chacun jouer avec leur glaçons et poussé un soupir de soulagement.

Encore une journée d'achevée.

Certains se disent, par la suite, qu'ils se sont aimés dès le départ, dès les tous premiers instants, recouvrant un hasardeux évènement d'un pratique et sensée étonnement amoureux.

Elle s'est levée pour aller aux toilettes et c'est là qu'il la remarque pour la première fois. Sa démarche est lourde car malgré tous ses désirs aériens, il y a comme une volonté contraire de son corps de se river au sol, de s'y enraciner à chaque pas.
Du coin de l'oeil, il la regarde donc évoluer jusqu'à ce qu'elle disparaisse derrière les portes à battants. Et ça y est, l'attente a commencé, sans même qu'il s'en rende compte, son regard reste fixé sur son absence.
Lorsqu'elle revient, elle semble tellement perdue dans ses pensées, qu'il a tout le loisir de découvrir ses traits et ses formes, qu'il les détaille sans même se soucier d'être pris la main dans le sac...
Suivant une trajectoire inexacte, elle oblique inopinément et vient se poster au bar juste à côté de lui.
Et se retournant vers lui, elle lui offre un sourire ni aguicheur, ni crispé, juste franc.
Il se demande angoissé si elle l'avait déjà remarqué auparavant, lui répond donc un peu surpris, et lui adresse un ça va plus inquisiteur qu'interrogateur sa voix muée par l'appréhension.
Son rire éclate, l'obligeant, lui, à se justifier.
-Je... Je suis désolé, je n'ai pas vraiment l'habitude de ça...
Elle rit à nouveau, sans pudeur, elle le regarde et se laisse surprendre par la douceur de ses yeux sombres et la virilité qui émane de lui, naturellement. Elle décide qu'elle a envie de le croire, envie de croire qu'elle est cette "occasion" unique, sans précédent, elle lui dit d'ailleurs : j'ai envie de vous croire.

To be continued (comme on dit par chez nous)...


5 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est beau, on dirait du vécu, non?

Anonyme a dit…

on dirait le sud...

Emi a dit…

Egantique > ça pourrait en être... :)

Monsieur Toujours Raison > j'sais pas pourquoi, j't'imagine bien à la place de mon personnage masculin, peut-être parce que ça fait un moment que tu ne nous confies plus tes déboires amoureux et que j'ai envie de te faire vivre une belle histoire...
Des bisous.

Anonyme a dit…

Sa maman! c'truc de guediiin!
Encore un très beau texte, merci.

mlys a dit…

Un très beau texte, BRAVO mademoiselle ! J'aime ces silences qui en disent longs ...ces duels visuels ! J'adore la dernière phrase: "Elle décide qu'elle a envie de le croire, envie de croire qu'elle est cette "occasion" unique, sans précédent, elle lui dit d'ailleurs : j'ai envie de vous croire."
Vraiment bravo Emi, c'est tout simplement magnifique... je reste pétrifiée par ton talent. Il y a tellement d'intensité dans tes phrases ...je t'embrasse très fort.

Flower