lundi, juin 12, 2006

Paradis artificiel

Clapotis, clapotas. J'ai le vin qui fait le dos rond dans mes veines. Des myriades de gens, qui passent, qui rient. Des filles qui secouent leurs cheveux dans un espoir vain. Il neige dans ma tête. Il neige du coton et ça s'amoncelle, ça m'enveloppe sous la peau. Je souris, peut-être que quelqu'un, qui me murmurant des douceurs à l'oreille, étire ma joie? Je caresse ses cheveux comme autant d'herbe fraîche, comme autant de printemps à l'orée de mes doigts. Je parle en capitales avec des apostrophes qui éclatent comme des rires d'enfants. Plop! Ce sont les bulles qui m'ensorcèlent. J'ai le nez qui me pique, ça fait des chinoiseries iréelles.
Des pas chassés sur le saint parvis des âmes damnées! Plonge, pauvre âme, plonge ta tête sous l'eau et regarde ce drame, ce triste satyre qui vient te voler ta toute neuve piété! Mes mains jointes s'enfoncent dans la terre, puissante vie qui coule à flots, elle est fluide cette boue qui vient se coller à mes doigts, elle est légère cette sensation étrange de n'être qu'un monstrueux cliché. Une part antique, enjouée, et mille fois répêtée de Dieu.

Il y en a qui ricanent... Aaaah, sombre poètesse, ne sais donc tu pas apprécier cette orgie qui tout autour de toi s'épanouit? Te faut-il tant de mots, d'exclamations, pour en jouir pleinement? Regarde toi! Chaque expression qui te concerne signe ta fin, c'est à toi qu'abruptement s'échoue la vie. N'as tu donc point envie de pleurer? Tu as, femme, des chants qu'en toi tu ignores : le lyrisme de tes formes, la grâce imparfaite de tes mouvements, la timide danse de ta coiffure. Au moment où ta plume s'immisce entre chacun d'entre nous, chacun remarque les voluptes de tes mains, le troublant déhanché de tes épaules nues! Comment cette fragile harmonie ne saurait mieux être chantée que par le regard que nous, nous portons dessus? Mais ton regard pénètre et ne s'arrête pas, tes yeux transcendent mais ne se rivent pas. Rien n'est l'objet de ton désir ni de ton affection. Du Verbe, tu retournes au Verbe. Entends ceux qui tonnent de désespoir, cette clameur misérable... Ce sont les nôtres qui se prostrent devant ton affliction. Entre ciel et terre, n'y-t-il donc rien qui puisse t'appeller à nous? Oublie l'immensité de ta peine et viens un instant, Reine, te fondre parmi ceux qui se veulent tien.


N'y-at-il rien qui puisse m'appeler à vous? Mais je voyage et je me laisse bercer par les gémissements que je laisse derrière moi et tu me condamnes? Que pourrais je faire? Lorsque j'aurais quitté cet endroit pour un autre, qu'adviendra-til? Ma présence s'estompera dans les brumes de l'aube et bientôt, vous aurez jusqu'à oublier ma venue. Je m'échappe, je virevolte, pourquoi laisser ce discours oiseux me toucher? Je regarde mes mains, souillées encore par la terre, je pourrais en placer les paumes sur ton visage... Mais, j'ai du feu au bout de chaque ultime phallange, je brûle et détruis tout ce que j'effleure de mes louanges... Je m'approche au bord de l'eau, je me donne aux reflets du ciel, aux apparences célestes. L'affront est orageux, la visée funeste. Je ferme les yeux, au moment où la légèreté impregnait mon être, voilà le dégoût gracile d'être. J'ai connu l'amour et ses frasques incessantes, j'ai connu les communions frèles. Jour de pluie et chants de messe, labyrinthe des émois et tous les dédales de ma main jusqu'à la sienne, tous ces faux-semblants, l'aurore à nos joues et le bruit sourd de nos coeurs qui résonnait. Musique et musique encore, notes esquissées d'un bonheur douloureux, d'une plénitude volée au temps et à l'espace. Et puis le soleil qui s'éparpillait entre nous, toute cette lumière qui ne sommeillait plus. J'ai admiré pendant des heures la courbe de ses mots et de sa nuque, la douceur incroyable de ses gestes alors qu'il y avait en lui tant de colère rentrée. Nous buvions de l'eau de vie à petites gorgées jusqu'à ce que l'incompréhension puis la rancoeur nous fassent avaler cette liqueur d'amertume à pleines rasades. Du temps où il chantait encore dans ma tête, j'aurais pu me dévêtir et offrir mon corps à l'asphalte, j'aurais su que même en creusant, même en descendant toujours plus bas, je pouvais encore trouver l'azur.


D'ores et déjà, je sais que le glas a sonné. D'ores et déjà, je sais que mon souffle est moribond, que le sang s'écoule lentement de mes veines, que goutte à goutte, il tombe : plic, ploc, plic, ploc. Alors, oui, j'habite et j'habille cette brèche, je la pare de merveilleux. Je suis comme une illusion au milieu de vous tous, et si parfois ma peau frémit au contact de l'air, ce doux duvet qui s'irrisce n'est là que pour me rappeler combien je suis bannie, combien mon enveloppe est un supplice. L'amour est gravé dans mon esprit autant que dans ma chair. Mais mon corps est de parti pris et mon âme s'en désespère.

2 commentaires:

Emi a dit…

Je tiens à préciser quelque chose, pour ceux qui auraient reconnu la référence à Baudelaire déjà avec le titre, il faut savoir que ce texte a été plus ou moins inspiré d'un de ces poèmes qui se nomme : Le fou et la Vénus... Si vous avez envie de le lire: http://www.feelingsurfer.net/garp/poesie/Baudelaire.FouVenus.html

Anonyme a dit…

J' aime beaucoup " les chinoiseries iréelles ",continue à me transporter, tes mots me parfument d'une envie inavouée. Comment te dire que ce texte comme Epurée...ou Le couvercle me font rentrer dans un unvivers qui me transcande.... Rapelles toi : " Terreur du libertin, espoir du fol ermite;
Le Ciel! couvercle noir de la grande marmite
Où bout l'imperceptible et vaste Humanité. Baudelaire, Le couvercle.