vendredi, novembre 17, 2006

Nuits Grises - Part Seven


ll y a eu un temps de ma vie où je me suis perdue. Mais vraiment... Chaque instant à vivre devenait insurmontable, source d'angoisse sans précédent. J'ai des traces de cette période, des choses que j'ai écrites dont je ne pourrais jamais rien faire. Ou peut-être si, peut-être quand j'aurais le courage de regarder cette époque de ma vie sans avoir honte, sans me juger. Quand je pourrais me replonger dedans sans avoir peur de m'égarer à nouveau. A l'époque, je n'avais qu'une vague idée de ma façon de fonctionner. Je me souviens quand j'étais au lycée, j'étais allée voir un conseiller d'orientation. Il était à la fois con et pas con le type. Je savais pas trop ce que je voulais faire dans la vie... Enfin... J'avais déjà la vague idée que ce que je voulais, c'était écrire... Chose que j'avais finie par lui avouer non sans peine. Pourquoi? Peur du regard de l'autre, surtout celui d'un adulte. Peur de lire dans ses yeux que je n'étais pas à la hauteur alors qu'il était évident qu'il ne pouvait rien en savoir. Je crois pas qu'on ait demandé à Gide ou Sarraute de montrer leurs bulletins de note pour décider s'ils avaient du talent ou non... (Je dis ça mais je me prends pas pour eux, hein) Et ce type-là, ce vieux, qui rentrait à peine dans sa chaise et qui ne me semblait pas en aucun cas intéressé par ce que je lui racontais m'a demandée pourquoi je ne ferais pas Lettres. A l'époque, j'étais quand même plutôt partie pour faire du journalisme, par souci de faire un truc qui allie les mots et quelque chose dans l'assiette, et donc le meilleur tremplin pour ça, c'était en fait l'histoire... Ce que je lui avais donc dit. (Et ce que j'ai fait par la suite, c'était plutôt lamentable et puis comme vous le savez j'ai fini par me réorienter... en Lettres) Il m'a dit que peut-être si je faisais pas Lettres, c'était parce que j'avais peur de me frotter réellement et concrètement à ce que je voulais faire, et puis surtout peur de la "concurrence". Même pas d'aujourd'hui hein, mais le poids du passé, tous ces types morts depuis longtemps - ou pas - qu'ont fait des trucs ahurissants. Et puis, le mec, il m'a demandée si j'étais pas dans le "syndrôme de l'échec", moi, je peux vous dire que je suis tombée des nues, les mots roulaient dans ma tête encore et encore, sans que je le trouve une quelconque connection avec ce que j'étais ou ce que je faisais... J'ai dû répondre un truc du style "Non, enfin, j'sais pas, peut-être". Il m'a pas expliquée pourquoi il m'avait dit ça, il a dû se dire que ce serait mieux que j'y réfléchisse toute seule à ce truc-là. Je sais pas s'il a eu raison ou non, mais quand aujourd'hui je me rappelle cette conversation, je me dis qu'il m'avait vraiment cernée en deux-deux. Outre le sentiment pénible d'avoir été si facilement analysable, je n'ai compris cet échange que des années après. Et, dans toute sa splendeur, il y a seulement quelques jours. Ca a émergé comme ça, de façon nette, claire et tranchée, sans aucune fioriture. C'était là, et en fait, ça a toujours été comme ça. Je suis allée chez un ami qui m'a tirée les cartes. Je ne comprends pas trop ce que cela signifie mais on dirait que tu tires ton inspiration de l'échec.
Si, si, moi, je comprends, va... On ne peut plus évident l'histoire. Je me provoque des mises à mort, je me les impose comme si c'était la seule façon viable d'avancer, de créer. Et puis je me suis souvenue de ces mots que j'avais hurlé à quelqu'un une fois : Je ne suis pas engoncée dans un cycle de destruction/construction comme toi, moi!
Tu parles... Comme si la seule façon que je trouvais de grandir et d'apprendre était de me confronter à ce que je sais pertinemment être des murs. Surtout dans mon rapport à l'amour. J'ai dit des choses comme je veux ci je veux ça, des pour toujours et à jamais. Des époques dissolues dans ma tête, des projections ridicules, des avenirs montés de toutes pièces, ajustés, customisés à l'autre. Je ferme les yeux, je perçois des gestes et des lumières. Mais jamais je n'apparais dans mes rêves, ce n'est pas moi, c'est celle que je suis devenue pour l'autre. L'ombre. L'égérie.
Mais, celle qui crée ne peut pas être à la fois la Muse, trop de conflits d'intérêts à ce niveau.
Bien sûr cloisonner, c'est facile, ça fatalise bien proprement.
Et puis, j'ai relu ça :
Lui annoncer son départ aurait donné une importance à sa présence et cela, elle ne le voulait pas. Non pas qu'elle lui signifiat de ce fait son manque d'humanité mais, elle pensait qu'il pourrait ainsi mieux la haïr. Aux diables, les regrets. Elle prépara ses affaires. Elle fermait doucement la porte quand il revint. Stupéfait puis résigné, il retourna sur ses pas pour lui ouvrir le portail quelques mètres plus haut. Elle n'aimait pas les effusions et elle lui sut gré de ne pas lui exposer l'ineptie de sa conduite et le drame auquel elle se préparait. Son regard lui brûlait la nuque tandis qu'elle dévalait le chemin de terre qui la séparait de la route. Elle le détestait. Elle n'aurait pas voulu qu'il essaie de la retenir, cela aurait été vain de toute façon. Elle aurait voulu qu'il la suive. Au-delà des limites de leurs propres folies, il devait bien se situer un espace où pourrait enfin éclore leur amour. Imperceptiblement, elle se mit à ralentir. En le laissant là, elle savait ce qu'elle encourait, une mise à mort, une de plus, admettre que tout ce qu'elle avait toujours désiré ne lui convenait pas... Mais, la sérennité lui était aussi éprouvante que la clameur de ses émotions. Elle s'effondra. Et se releva.

J'ai dû écrire ça il y a 3 ou 4 ans... Et c'est fou de se rendre compte à quel point on porte à la fois la clé de ses problèmes avant même de le savoir mais aussi, leurs solutions... Déjà là, prêtes en nous à être employées.

L'ami qui m'a tirée les cartes a ajouté que je n'en étais qu'au début de mon art, que je commençais à peine à sonder ce que je pouvais faire, ce dont j'étais capable.
Il m'a dit, encore une fois sans réellement comprendre ce que cela signifiait, que je devrais faire des sacrifices pour faire ce que je voulais faire et que ceux-ci ne seraient pas vains. Des sacrifices que je ferais de façon totalement volontaire et choisie.
Je lui ai raconté que j'avais confié à quelqu'un de mon entourage quelques jours auparavant que pour écrire, je devrais faire des sacrifices. Et que je n'avais moi-même pas vraiment idée à ce moment là de ce que cela pouvait bien vouloir dire...
Mais, je sais maintenant. Je le sais et je l'ai toujours su : je suis seule et pis encore je VEUX être seule.
Il serait temps de l'accepter.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

De toutes facons on est toujours tout seul, mieux vaut apprendre a faire avec...

Anonyme a dit…

La photo me fait penser à Valeria Bruni-Tedeschi dans "Les gens normaux n'ont rien d'exceptionnel" ...