samedi, octobre 21, 2006

Toxine

Il y avait des choses difficiles, sans doute, beaucoup de choses difficiles. Je me souviens que je prenais un malin plaisir à discuter avec elle parce que cela me permettait de me sentir plus forte, plus intelligente. Pourtant, je n'ai jamais voulu vraiment la rabaisser. Je me sentais juste plus apte au bonheur parce que je ne m'obligeais pas à être torturée. Parce que pour moi, quand on dit qu'on est vulnérable, on veut se faire passer pour une petite chose sensible, à qui il manque tant d'amour, mais qui se cache derrière un masque, qui fait la fille forte et courageuse, blablabla - j'ai envie de vomir. Force est de constater, que j'ai grandi peut-être pas avec tout l'amour dont j'aurais eu besoin, mais quand même. Et que la vie ne se résume pas à une poursuite sans fin après l'amour. Parce que l'amour, c'est quoi? Quand je vois ces centaines de personne en détresse essayant de trouver des réponses là dedans, quand je les vois essayer de combler leur terrible vide intérieur par ça, moi, j'ai tendance à croire que l'amour, bé, ça existe pas. Que c'est qu'un truc qu'on a inventé pour s'occuper, pour se sentir moins seul. (Mensonges et Trahisons avec Edouard Baer, à voir) Bien sûr, je suis mal placée pour dire ça, puisque je n'ai plus été amoureuse vraiment depuis quelques mois et que ça sent un peu l'aigreur de la fille célibataire blasée. Mais quand même, je me souviens d'à quel point cette fille, elle pouvait s'imaginer des choses avec des mecs qui ne faisaient que la regarder de haut. Et qu'après, elle venait me voir en me disant bouh ouh ouh, ils ne veulent que mon cul. D'abord, il était moche ton cul, ensuite, si tu ne t'étais pas comportée comme la pire des potiches, peut-être qu'ils auraient un autre regard sur toi. Des fois, je me dis qu'on attire forcément, inéluctablement ce qu'on redoute. Elle trouvait l'homme de sa vie toutes les semaines, la plupart du temps, il avait peur d'elle, il n'était pas prêt à s'engager, vous comprenez, si complexe qu'elle était... Moi, j'avais envie de lui hurler dessus qu'elle était surtout une pauvre conne. Mais, j'étais pas très claire à l'époque. Parce que je jalousais quand même son culot, son audace, le fait que quoiqu'il arrive elle prenne des risques. Je tournais ça à mon avantage, évidemment, un peu de rhétorique et plié c'est emballé, j'étais une fille sage, une fille romantique, qui attendait le prince charmant dans sa tour d'ivoire d'HLM. Ca l'a jamais empéchée de me faire des scènes incroyables, de se mettre à pleurer, de se mettre à me parler une énième fois de son enfance incroyablement malheureuse, du rejet, de l'abandon, de tout ce qui la minait de l'intérieur, de ce masque qu'elle portait, et que les gens voyaient pas comment elle était fragile, sauf X (dernier type en date) mais que tu comprends, il sort d'une relation/ il est drogué / il habite chez sa mère / il est reporter, il part au Brésil dans deux jours, et moi, qui lui répétait inlassablement, que je ne croyais pas à cette histoire de masque, qu'elle n'était pas par essence une petite fille souffreteuse mais qu'elle était tous ces aspects à la fois : la fille rigolotte, la fille dure, déterminée, pleine d'espoir aussi. Que ça faisait aussi partie d'elle, cette force, que celle-ci n'était pas superficielle. Et que l'amour de sa vie, elle finirait bien par le trouver. Un jour, elle m'a dit la pire des conneries que j'ai jamais entendu de ma vie : elle m'a dit que ma souffrance, que ma fragilité étaient belles, parce qu'elles n'avaient pour raison d'être que le fait que je sois en vie. Que c'était le mal de l'existence qui me rongeait. A priori, ça a quelque chose d'absolu, j'aurais pu après ça me la jouer "poétesse tragique" au delà du pensable. Mais si, elle s'était un tant soit peu intéressée à qui j'étais réellement, elle aurait pu remarqué que j'avais été aussi sévèremment abîmée par la vie. Et puis, j'ai commencé à plonger. A exploser. Elle a pris sa revanche, elle était fière. En position de force pour une fois. A me dire les trucs que j'essayais de lui faire rentrer dans le crâne depuis des mois, voire des années. Connement, j'ai réagi avec mon orgueil. J'étais frustrée aussi, j'aurais aimé avoir juste qu'elle me prenne dans ses bras, comme l'amie que j'avais toujours espérée en elle. Mais, c'était en partie de ma faute qu'elle se mette à réagir comme ça. J'avais toujours fait en sorte de me distinguer par ma sérennité, par mon rationnalisme, la remettant à sa place un nombre de fois incalculable. Et quand j'ai sombré, j'aurais voulu qu'elle m'aime, qu'elle me comprenne, alors qu'elle et moi, nous n'avions toujours été qu'en concurrence, en rapports de force. Aujourd'hui, je ne la vois plus. Nous nous sommes disputées et nous n'avons jamais essayé de nous réconcilier. Elle a dit quelque chose qui m'a fait beaucoup rire "nous nous sommes faites trop de mal, nous ne pouvons plus être amies."
Faut être stupide, vraiment, pour dire des trucs pareils ou faire bien peu de cas des liens qui peuvent unir deux personnes...
Je me suis ainsi libérée de ce qui me pourrissait la vie, ce manque de confiance en moi qui me poussait à entretenir des relations avec des personnes qui faisaient de moi ce qu'elles voulaient sous le prétexte bienheureux de l'amitié, et que j'étais fière parce que je le savais, mais que je me faisais avoir, consciemment, pour la bonne cause. C'est sûr que c'était hâchement intelligent.
Je ne pourrais plus m'attacher à quelqu'un pour quelque chose que j'espère en lui.
L'amour que je rejette, dont je ne peux accepter l'existence, c'est l'amour que l'on poursuit comme un but.
Parce qu'il est forcément contaminé par notre vanité.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

bien vu, et bravo.

Emi a dit…

:)

Anonyme a dit…

J'ai pas une vision très romantique de l'amour, plutôt une vision psychanalytique.
les inconscients se cherchent, se parlent, se trouvent. Pour des raisons bien précises. L'amour est une combinaison d'intérêts plus ou moins obscurs, ce qui n'empêche en aucune façon la force et l'authenticité des sentiments.
Supporte plus les gens qui disent : je tombe toujours sur le même genre de mec, ou de nana, supporte plus les gens qui disent que ce n'est pas de leur faute. Bravo pour ton billet.
hug !

Pico a dit…

Bein pour avoir connu la personne en question, je trouve que tu cernes très bien les rapports qui te liaient à elle...

C'est vrai que t'as eu un virage radical à partir du moment où tu as "accepté sa démission" ;) .