mercredi, août 30, 2006

La nuit rêvée - Part One

La nuit est féline. A pas feutrés, elle étend ses droits. Féline et pourtant anguleuse, elle vient choquer avec les angles droits des bâtiments. Si vieux les bâtiments, ils ont l'air désaffecté. Ville-fantôme. Il n'y pas d'ombre, le béton se découpe fièrement dans l'azur d'encre noire, grâce à la lumière blafarde des réverbères. Leurs peaux sont jaunies, la pâleur de l'un n'a rien à envier à l'aspect cuivré, compacte, presque hermétique de l'autre. A chaque instant, il attend de voir s'il ne va pas se craqueler ce visage, s'effriter et tomber en lambeaux sur lui. L'expression figée de ses traits exacerbe la sensation d'angoisse à la limite du supportable. Il lui saisit les mains, elles sont froides, glaciales. Leurs respirations accélérées provoquent une nuée de brouillard entre eux. Comme s'il n'y avait plus que ça pour les maintenir séparés.
Pas de lune, pas d'étoiles, ce soir.
Face à face avec leur monstruosité, face à face avec leurs néants.
Souffle coupé.
Silencieusement, elle tente de lui faire comprendre qu'elle a mal. Il y a quelque chose de pathétique dans la façon dont elle a de balancer son pauvre corps. Elle ne peut pas s'arracher à son emprise, elle romprait le fin équilibre qui les unit, même si elle ignore encore pourquoi elle veut tant le garder intact. Elle essaie de ramener un semblant d'ordre dans ses pensées. Saisir une idée, s'y tenir, agir. Mais plus elle s'accroche à ce but, plus sa conscience dérive et lui échappe. Il y a quelque chose de visqueux dans ces marasmes, quelque chose de visqueux dans la sueur qui coule au bas de ses reins. Il vient plaquer une de ses mains à cet endroit précis. Un long frisson de dégoût remonte dans sa colonne vertébrale et finit de lui nouer la gorge.
Il n'y a que le crissement de leurs pieds sur le sol pour venir troubler le silence. De loin, on pourrait croire qu'ils dansent.

Pas brisés, arabesques macâbres, confinées.

dimanche, août 06, 2006

Je vais...



...aller voir ailleurs si j'y suis. En espérant revenir inspirée... A bientôt.

mercredi, août 02, 2006

De ces choses...

Qui n'arrivent qu'à moi...
Oui, oui, je vous assure. Ca n'arrive qu'à moi, la preuve : personnellement, je croyais que c'était le lot de tout le monde de vivre ce genre de choses mais, en fait, un jour, on m'a dit que non, on m'a dit que j'avais sûrement un truc spécial, un "don" (vous savez ce qu'on dit des dons... Y'a des moments sympas et des moments... Des moments moins sympas!). Allez, je vous raconte :
Je sors de chez moi, il y a quelques heures, pour aller retrouver des amis avec qui je devais pique-niquer sur les bords de la Garonne, très exactement sur la Prairie des Filtres (quand on habite dedans le béton, le moindre coin de verdure devient une occasion exhaltante d'aimer la Nature avec une hystérie toute incontrôlée), j'ai comme à mon habitude, les écouteurs de mon lecteur MP3 vissés aux oreilles et Interpol qui tourne (lumière blafarde dans une chappe d'électricité, j'aime), quand une plus toute jeune dame m'arrête à 100 mètres à peu près du métro :
- Excusez moi de vous arrêter, mademoiselle, mais j'ai besoin d'un renseignement, je ne veux pas vous ennuyer...
Je vois bien à sa mine déconfite qu'elle se sent vraiment mal à l'aise de devoir apostropher les gens dans la rue ainsi mais elle a en même temps cette forme de détermination affranchie des conventions qui font que je décide de l'aimer tout de suite. (Oui, oui, j'ai le temps de me dire tout ça en deux secondes, sinon, ben, ça servirait à quoi d'être écrivaine?)
Le temps de lui tirer un grand sourire et dans un seul souffle, je lui demande ce que je peux bien faire pour elle.
- C'est que je cherche une femme, elle est noire, assez grande, très (elle hésite sur le mot, mime une certaine opulence avec ses bras et finit par dire) forte.
Je secoue piteusement de la tête.
- Elle s'appelle Lucette, c'est une jeune femme très gaie, toujours très vive, vous ne le connaissez pas?
Je me sens soudainement et sincèrement très affectée de ne pas connaître cette Lucette. Cette question a cependant quelque chose d'aberrant, puisqu'habitant dans une cité HLM, et même si j'ignore le nombre exact de personnes qui vivent ici, les probabilités pour qu'une fille croisée dans la rue au hasard connaisse Lucette sont quasi réduites au néant et même si j'en suis fort désespérée, j'ai tout de même pour moi un certain réalisme qui pousse à la fatalité. Et comme bien évidemment, je n'aime pas ça, je lui propose mon aide, pour quoi que ce soit...
Cette Lucette n'a-t-elle pas un numéro de téléphone? Je me sens déjà prête à dégainer mon portable pour le donner à la dame et qu'enfin, tout soit résolu... Mais, je sens quand même intérieurement que ce serait vraiment déplacé que la nouvelle technologique puisse achever cette histoire et j'espère tout de même instinctivement que ça ne marche pas.
-Et non, nous n'avons pas son numéro! (Je soupire de soulagement, en dedans moi, mélé tout de même de vague culpabilité, être à ce point amoureuse du romanesque, ça peut être assez égoïste)
Et là, j'ai la chance ultime qu'elle me raconte à quel point elle est fébrile de retrouver cette dame car dit-elle, elle ne sait pas exactement où elle habite, juste comme indication derrière la bibliothèque, qu'elle a demandé qu'on la dépose là en se disant qu'elle allait la trouver, elles se connaissant de l'Eglise mais elle n'est jamais allée chez elle. Elle m'explique de quelle Eglise elles sont exactement (désolée, ce genre de détails je ne peux les restituer, je n'ai pas assez de mémoire pour cela...)
- Et vous comprenez, on a un archevêque qui vient de Lyon et qui fait une messe demain alors...
-...Alors, vous aimeriez la prévenir?
- Oui, c'est exactement cela, et je n'ai plus qu'à -vous savez- aborder les gens maladroitement comme ça, comme je viens de le faire avec vous...
Et je me sens vraiment désolée de ne pouvoir l'aider, et je lui dis, tout en sachant pertinemment que de toute façon, je n'en avais pas les moyens.
Et je m'en vais avec le sentiment d'avoir vécu un moment unique.
Pourquoi?
Parce que cette vieille femme, certains auraient pu la percevoir comme folle : parce qu'elle était d'une gentillesse et d'une retenue complètement ancienne, parce qu'elle avait les yeux qui brillaient et qu'elle se sentait réellement mal à l'idée que cette personne ne puisse pas aller à cette messe, que ça lui tenait vraiment à coeur, parce que surtout elle ignorait tout de la réalité qui l'entourait...
Ca, ça n'est pas de la folie... Ce qui est de la folie, c'est tout le reste.